Kevin, Camp Climat Marseille

Portrait de Kevin
Crédit photo : Christophe Oudelin

Témoignage

« Je suis sociologue, travailleur précaire et issu d’une famille populaire et métisse. Je milite depuis une douzaine d’années à Marseille, notamment dans les quartiers populaires où je vis – en centre-ville – et où j’ai travaillé ou fait mes recherches – dans les cités du Nord de la ville. Mon engagement s’est notamment construit autour de deux choses essentielles : la nécessité de tisser des liens entre des territoires séparés par la ségrégation sociale, raciale et urbaine d’une part et l’importance politique des luttes pour le droit à la ville et le logement. Au fil de mon engagement, j’ai cherché à comprendre comment renforcer nos expertises spontanées, les rendre légitimes et politiques. Je me suis sensibilisé à l’écologie populaire, celle ordinaire qui se révèle dans nos pratiques quotidiennes et par nécessité au vu des inégalités sociales et environnementales, des conséquences terrifiantes de la catastrophe climatique pour nos quartiers populaires.

Après l’effondrement de deux immeubles dans la rue d’Aubagne en novembre 2018, où je vis, l’urgence de tisser des liens entre luttes des quartiers populaires, écologiques, pour le droit à la ville, syndicales, de gilets jaunes… est devenu une priorité pour le Collectif du 5 novembre dans lequel je milite désormais. Nous avons vu toute une ville se mobiliser en solidarité avec notre quartier, construisant alors un nouveau pan de l’histoire de Marseille. Lorsqu’Alternatiba nous a proposé de co-organiser une table ronde ensemble (que j’ai eu le plaisir d’animer), c’est spontanément que nous avons répondu positivement. Le fait d’intituler cet événement « camp climat ET luttes sociales » nous est aussi apparu comme une belle main tendue, donnant à ces trois jours une identité qui pouvaient devenir facilement commune. Très naturellement, nous avons intitulé cette table-ronde « Bâtir une écologie populaire autour des luttes pour le logement » et y avons identifié et créé du commun pour nos mobilisations, avec d’autres associations et collectifs de quartiers populaires. Celle-ci s’est inscrite dans la continuité des Etats Généraux de Marseille (juin 2018) où un millier de Marseillais·es s’étaient réuni pendant trois jours autour de nombreuses questions locales mais aussi plus globales.

Je suis également intervenu à la table ronde autour des violences d’Etat, en tant que sociologue. C’était pour moi l’occasion d’élargir encore plus la focale autour des questions de « sécurité », interroger nos discours sur le droit à occuper les espaces publics et le droit à la vie. D’un côté, des classes populaires et moyennes blanches réclament un droit d’occupation de la ville au détriment d’autres populations, de l’autre les quartiers populaires sont victimes de la criminalité organisée comme des crimes policiers. C’est un enjeu majeur pour penser la ville d’aujourd’hui que de se demander comment créer du commun entre ces groupes et partager paisiblement nos villes, sans misérabilisme ni condescendance, ce dont les milieux militants ne sont pas préservés.

Ces dernières années, les envies de convergence des luttes se sont transformées en autre chose. Il y a un changement culturel dans les luttes populaires qui s’interrogent plus explicitement sur l’écologie et hésitent moins à mobiliser ce terme, revendiquant à raison faire de l’écologie depuis longtemps. De l’autre côté, une frange massive de l’écologie politique a clarifié sa position sur le « social » (incluant les discriminations). Il se noue désormais plus que des convergences orchestrées et volontaristes : nous initions ensemble des alliances respectueuses autour d’objets qui deviennent explicitement communs. La manifestation commune génération Adama – génération climat en est le meilleur exemple récent. Nous sommes ressorti·es de la table-ronde sur le mal-logement avec une volonté partagée et surtout très naturelle de construire une campagne commune sur cet enjeu particulièrement important à Marseille mais également dans le reste du pays. »